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Marion Waller devant la plaque de la Place Léon Blum
Tribune
20 avril 2025

Paris n'est pas un Monopoly, nous pouvons lutter contre la spéculation

Alors que la crise du logement bat son plein à Paris, privant des millions de personnes d'un logement décent, rendant l'accès à la propriété quasi impossible sans héritage, une nouvelle ère de la politique du logement et du foncier doit advenir.

Parce que la spéculation et la vacance ont pris des proportions inédites, la situation appelle des mesures radicales pour que la métropole reste habitable et ne soit pas réservée aux plus aisé.es. Paris doit définir une nouvelle stratégie pour protéger les lieux de vie essentiels et défendre sa souveraineté économique.

Nous devons d'abord réaffirmer le caractère public du sol : plus aucun terrain public ne doit être vendu à Paris. Le foncier est devenu une ressource trop rare et précieuse. Nous avons besoin de ce sol pour des services publics, des logements, des parcs, des commerces, des lieux de travail et de production utiles pour la ville et ses habitants.

Lorsque de nouveaux logements sont produits, l'accession à la propriété doit adopter le modèle de la dissociation du sol et des murs à l'image de ce que porte la métropole de Rennes. Ce modèle permet de sortir, pour longtemps, de la spéculation.

Nous devons aussi agir contre la vacance : plus d'un logement sur cinq est inoccupé à Paris. Cinq millions de m² de bureaux vides sont laissés en l'état dans le Grand Paris pendant que des familles dorment à la rue. Nous devons rendre la vacance inopérante d'un point de vue économique, en créant une supertaxe sur les lieux vides, qu'il s'agisse de logements ou de bureaux, à l'image de ce que font des villes comme Vancouver qui ont prouvé son efficacité.

Les taxes immobilières doivent varier selon le montant des transactions et le patrimoine des acquéreur.euses : à Paris, 58% des locations sont détenues par des maxipropriétaires possédant au moins cinq appartements. Nous devons éviter ces effets de surconcentration. De la même manière, une transaction pour un hôtel particulier de 10 millions d'euros pourrait payer un pourcentage de droits de mutation plus important qu'un studio pour un.e étudiant.e.

Ce nouvel équilibre financier permettra à la puissance publique d'investir massivement pour créer des logements publics, protéger les commerces de proximité, réguler la logistique, soutenir les locaux d'activité pour les associations et entreprises sociales et solidaires et les acteurs de la culture. Nous devons également créer un tel fonds de soutien pour le Grand Paris, parce que les enjeux se jouent désormais à cette échelle. Trop de bâtiments aux fonctions stratégiques sont sortis de notre giron, à l'image de la plateforme logistique Garonor, deuxième plus grand entrepôt logistique d'Île-de-France, vendu à un investisseur américain puis à un fonds souverain chinois.

Pour certains commerces de proximité, constitutifs de l'identité même de Paris, nous avons également besoin d'une détention publique du sol et des murs : sans elle, nous n'arriverons pas à maintenir des librairies indépendantes dans le quartier latin, ou des commerces alimentaires à prix abordable et populaires dans des secteurs de plus en plus gentrifiés.

Les multinationales qui profitent de Paris, de ses aménités, de son espace public et de son image de marque, doivent davantage contribuer à son économie : le rapport de force doit être engagé ou renforcé avec Airbnb, Amazon, Deliveroo, Uber, mais aussi les grandes enseignes de luxe. Ces structures qui utilisent la ville doivent contribuer à la financer. L'espace public parisien est devenu une infrastructure de marché des grandes plateformes : il est temps de renverser la vapeur et qu'elles participent à son financement.

Paris doit être fer de lance d'une nouvelle économie métropolitaine, plus juste, mieux partagée, moins inégalitaire, Paris doit assumer la force de sa puissance publique et l'imposer au marché.

Signataires :

  • Marion Waller, candidate à la primaire socialiste pour Paris en 2026
  • Catherine Sabbah, déléguée générale de L'institut des hautes études pour l'action dans le logement (IDHEAL)
  • Jean Guiony, président de l'Institut de la transition foncière
  • Candice Pigeard, urbaniste, Institut de la transition foncière
  • Paul Citron, président de l'association Surface+Utile
  • Hugo Christy, vice-président de l'association Surface+Utile