Chapiteau de cirque à Paris

Pensons une nouvelle étape de la culture à Paris : plus populaire, plus mixte, plus émancipatrice

21 juin 2026

L’arrivée de la gauche au pouvoir à Paris en 2001 a été marquée par un fort réinvestissement de la question culturelle par la Ville de Paris. Aujourd’hui, au regard des enjeux sociaux et sociétaux du monde et des attaques qui se multiplient en direction des artistes, Paris se doit de penser une nouvelle étape de sa politique culturelle. Comme l’école, le sport ou l’engagement associatif, la vie culturelle est un lieu d'émancipation où l’on peut encore inventer ensemble, vivre des moments qui nous relient et faire société, dans une époque marquée par la montée de l’extrême droite et le repli identitaire. Le soutien de Paris à la culture est plus nécessaire que jamais, en remettant au centre les enjeux de mixité sociale et le déploiement culturel dans l’espace public en s’inspirant de la culture parisienne populaire qui fait l’âme de cette ville. Cela implique plusieurs choses.

D’abord un soutien inconditionnel aux artistes face à la baisse des moyens portée par le ministère de la Culture de Rachida Dati et par la droite dans certaines régions françaises. Paris n’est rien sans les artistes et nous continuerons de les accueillir, de défendre la création et de soutenir les lieux culturels permanents et temporaires dans la ville. Ensuite, nous voulons que le service public de la culture soit l’affaire de tous : que des personnes de tout âge, de toutes les classes sociales, se sentent autorisées à être spectateurs, à apprendre d’un instrument de musique ou à être artistes.

Pour ce faire, nous restaurerons et renouvellerons le paysage culturel du Paris populaire : plus organique, plus immatériel, plus nomade, moins consacré dans le répertoire savant, moins taillé dans la pierre, ce paysage qui s’est progressivement effacé doit retrouver sa superbe. À Paris, chaque quartier, chaque rue, porte l’empreinte architecturale d’un passé ou d’un présent culturel, de l’Opéra Garnier au Centre Pompidou ou la Philharmonie. Nous devons désormais inventer une nouvelle étape urbaine qui sera celle d’un urbanisme culturel, où la culture s’emparera des quartiers en investissant des rues, des places, des parcs, des portes. Nous transformerons les rues parisiennes en lieux de culture populaire.

Tirons un premier fil. L’histoire de Paris a toujours été liée à l’histoire du cirque avec une longue tradition d’accueil de spectacles sous chapiteau. Les images d’archives nous montrent un Paris dans lequel il était commun de voir des chapiteaux au détour d’une place ou qu’un square. Dans un passé encore récent, des cirques étaient installés place Denfert-Rochereau, place Stalingrad, place Georges Pompidou ou même dans des espaces qui nous semblaient aujourd’hui cocasses comme lorsque Alexis Gruss installa son chapiteau dans la cour de l’Hôtel Salé, actuellement musée Picasso, dans le Marais. Bien que toujours soutenus à Paris, les cirques ont été repoussés à la périphérie de la ville (porte Dorée, porte d’Auteuil, etc.) entraînant une forme d’invisibilisation de cette culture populaire, dont la création contemporaine est pourtant foisonnante. Les Jeux Olympiques et Paralympiques nous ont montré, à grande échelle, que la ville sait s’adapter pour accueillir en cœur de ville des infrastructures éphémères. Nous souhaitons réaffirmer qu’à Paris, les chapiteaux petits et grands, doivent avoir à nouveau droit de cité au cœur de nos quartiers. Dans chaque arrondissement, des lieux d’implantation (places, parcs et jardins) seront identifiés et les aménagements légers nécessaires des sites seront faits pour faciliter l'accueil des cirques sous chapiteaux (sans animaux sauvages) .

L’histoire de la marionnette à Paris est très ancienne et c’est là encore un motif du Paris populaire qui est en voie de disparition. Au XIXème siècle, en bas des Champs-Élysées, on ne dénombrait pas moins d’une demi-douzaine de castelets de Guignols avant que de nombreux autres soient installées par la Ville de Paris dans de multiples squares et jardins : Batignolles, Buttes-Chaumont, Bois de Vincennes près du lac de Saint-Mandé, etc. Le petit théâtre de marionnettes du Champ-de-Mars, un des derniers encore en activité, est immanquablement une madeleine de Proust pour toutes les Parisiennes et les Parisiens qui se souviennent l’avoir fréquenté dans leur enfance. Nous souhaitons ainsi installer de nouveaux marionnettistes contemporains (et même des artistes de magie nouvelle) dans des kiosques existants ou à créer dans les parcs et jardins. Cette proposition vise par ailleurs à renforcer l’offre culturelle jeune public encore trop peu investi par les scènes publiques, d’installer une permanence artistique au cœur des quartiers et par la même occasion, faire découvrir la scène marionnettique contemporaine, très dynamique et qui renouvelle brillamment les univers esthétiques et les techniques tout en restant grand public.

Le Paris populaire, c’est aussi celui des cultures plus récentes comme le hip-hop dont le milieu culturel d’origine est la ville en elle-même. Les danses hip-hop sont à proprement parler nées dans la rue et continuent de s’y déployer et se réinventer. Peu de lieux sont néanmoins aménagés pour la pratique spontanée de la danse dans la ville comme on l’observe sous la nef du CENTQUATRE ou sous le péristyle de la Grande Halle de la Villette. Nous souhaitons identifier avec les artistes professionnels et amateurs, des lieux intérieurs et extérieurs, pour installer des parquets de danse afin d’offrir de nouveaux espaces aux danseurs. Ces lieux pourraient être pensés pour le hip-hop, mais aussi pour les danses sociales (salsa, bachata, etc.), comme sur le quai Saint Bernard en été, ou toutes autres pratiques artistiques.

Promouvoir aujourd’hui cette riposte culturelle populaire, c’est aussi lutter contre l’artificialisation de nos vies, la solitude de toutes les générations et la marchandisation de la culture. Le nouvel urbanisme culturel, qui n’est le fruit que d’installations légères, est par nature profondément démocratique et écologique. La culture - et sa dimension émancipatrice - se trouve ici au niveau de la rue et n’oblige pas le franchissement des barrières symboliques des institutions culturelles. Ce projet culturel est aussi un projet paysager convoquant l’imaginaire populaire de Paris, pour une ville joyeuse dans laquelle toutes les classes sociales et toutes les cultures peuvent exister sur un même pied d’égalité dans l’espace public, au côté des lieux culturels historiques.

Marion Waller, candidate à la mairie de Paris.